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Communiqué de presse : culture

exposition des gravures et peintures de Renaud Allirand au château de la Guerche

Martin de Crouy

Communiqué le 06/04/2012
exposition des gravures et peintures de Renaud Allirand au château de la Guerche, du 12 mai au 10 juin 2012, 4 Place de la Mairie 37350 La Guerche, 02 47 91 02 39 contact : martin@decrouy.com www.chateaudelaguerche.com

Texte de Frédéric Tison : On dirait de certaines œuvres qu'elles viennent d'être achevées — qu'elles demeurent pour jamais dans la fraîcheur de leur venue. Et ce que l'on peut dire des dernières toiles de William Turner, des encres d'Henri Michaux ou des peintures de Mark Rothko se vérifie encore chez Renaud Allirand, dans ses divers travaux, encres, gouaches, peintures, gravures ou photographies.

La sobriété des œuvres de Renaud Allirand frappe tout d'abord : il s'agit d'un art de l'épure, où lignes, traits et couleurs concourent à l'évocation de beaux silences, de beaux abîmes, pour leur laisser, dirais-je, toute la place. Traits, taches, lettres matérielles, calligraphies de rêves, lignes de couleurs accueillent ou révèlent ce qui était tu, mais comme en chuchotant — chantant l'espace vide.

Mais c'est aussi un art de la lumière et de l'ombre— de la source de l'ombre, telle l'origine mythique de la peinture. Se souvient-on que selon Pline l'Ancien la peinture aurait été inaugurée par la fille d'un potier, Dibutades (une scène dontJoseph-Benoît Suvée a fait un beau tableau, en 1791), laquelle, lors du départ à l'étranger de son bel amant, en traça, sur le mur de son logis, à la lumière d'une bougie, le profil qu'elle emplit alors de noir ? (1) Ainsi peut-être d'une encre de Renaud Allirand : elle vient après, comme le souvenir d'une ombre perdue, qui redevient alors, sur un support choisi, une ombre portée.

L'artiste crée un univers de signes instables : c'est dire qu'il suggère plutôt qu'il expose. Un regard sur les écrits de Renaud Allirand laisse penser que l'œuvre est d'abord née d'une très ancienne insatisfaction, d'une défiance très tôt ressentie face au langage verbal. Dans un livre-objet de sa composition, Vivre (2003) — textes et gravures en regard —, il écrit en effet, dès l'incipit : « Enfant, / j'étais persuadé que je ne possédais qu'une certaine quantité de mots à dire, / pour toute la vie. / Je les économisais au point de ne plus parler ou presque. / Sablier de mots : ils s'égrenaient et résonnaient sans échos. / Des lettres aux mots, la chrysalide mourait si vite, / étouffée, étouffante... La vie était ailleurs. » (2)

Certes, renoncer à la forme « signifiante » et « figurative », aux mots prétendument « immédiats », c'est parfois risquer le vertige du non-sens, mais aussi celui de l'arbitraire redoublé, facile, trop facile ! et c'est tenter dangereusement la folie guettant toujours l'informe ; or la danse du pinceau, de la pointe ou du crayon, ordonnance l'indécis, et, s'avançant sur le fil tendu de l' « abstraction » — la si mal nommée —, le soulève et l'étend. Pur geste, le signe ne s'interrompt plus dans le sens, dans la définition, dans l'univocité : il se dévoile en train de se déployer.

« La vie était ailleurs », écrit Renaud Allirand… Elle l'était, elle ne l'est plus, elle s'est épanchée dans cet « ailleurs » appelé, et toujours poursuivi dans l'œuvre.

... Ailleurs, dans les signes amples, sensuels et libres de l'encre et du trait, dans leur légèreté, dans l'inépuisable de leurs "sens", dans leur parole silencieuse. J'ai écrit « lettres matérielles » : c'est que le peintre est peintre jusque dans le poème, et que le mot est traité par la ligne et le trait. J'ai écrit « calligraphies de rêves » : c'est que parfois se manifestent sur le papier les bribes d'un langage étrange, utopique (sinon dans le « lieu » équivoque du support), que ne circonscrivent nuls dictionnaires ni lexiques. Reconnaîtra-t-on des caractères romains, grecs, arabes, chinois ? Pur hasard, ou pure épiphanie de la lettre et du signe…

… Ailleurs, dans les gouaches, qui célèbrent chez Renaud Allirand la couleur de manière aniconique ; elles la célèbrent en tant que matière, pure jouissance de matière tactile, de grain. Observons ces rouges, ces jaunes, ces bleus, toutes ces couleurs à la fois rutilantes et sombres, jaillissant du noir. Il y a toujours quelque chose d'obscur et de grave dans ces œuvres, une difficulté de lumière, mais lorsque la lumière des couleurs perce en elles, c'est d'une manière irradiante, ainsi qu'un phare, ou la lumière d'une bougie que l'on approche brusquement d'un objet. Ou bien c'est une lueur inattendue, comme un mot rare et oublié dans un poème, comme un oiseau qui soudain passe dans un caligineux ciel d'hiver. On voudrait parfois toucher, derrière la vitre qui les protège, les gouaches et les encres de Renaud Allirand, comme on aimerait toucher, pour y vivre, les paysages de John Constable ou de William Turner…

Et sans s'avancer sur le périlleux chemin de la synesthésie, ne peut-on évoquer ici l'amour de l'artiste pour la musique ? Le peintre confie que fréquemment, en effet, il lui arrive de travailler à ses œuvres tout en chantant : c'est peut-être une chanson secrète, une chanson intime de couleurs, qui sourd de la toile.

L'eau vive, l'eau sombre et claire de l'aquarelle, dont Turner avait magnifiquement inondé la peinture à l'huile, Renaud Allirand l'étend encore à la gravure, à la photographie. Dès lors, que l'artiste esquisse, dans ses gravures, d'étranges silhouettes, des paysages semblant venir d'un "lointain intérieur", où la nature n'est plus imitée, mais signifiée et retrouvée par la vivacité du trait, — qu'il évoque l'architecture (tranche, pages et dos) d'un livre ou les rayons lumineux d'un astre, la structure métallique d'un mystérieux bâtiment (serait-ce une usine désaffectée ? un château ruiné ? ou le gréement d'un navire oublié ?), un toit troué sur le ciel du papier ou de la plaque de cuivre —, que l'artiste convoque encore, dans ses photographies, l'ombre et la fragilité (photographies qui pourraient tout aussi bien s'intituler skiagraphies, « peintures d'ombres », selon Apollodore, le peintre d'Athènes qui, au Ve siècle avant notre ère, fut surnommé le Skiagraphe par ses contemporains, pour la qualité de ses ombres picturales dont il fut, avec Zeuxis, l'initiateur (3)),— qu'enfin, sur le papier, tous les horizons de ses couleurs lézardent ou scandent de larges aplats de couleurs, donnant naissance à ces tons indéfinissables dont parlait Michel-Eugène Chevreul (4), Renaud Allirand offre au regard attentif les traces vivantes et le rappel— l'écho — d'une présence incessante.

Frédéric Tison

avril 2012

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Notes

(1) « Dibutades de Sicyone, potier de terre, fut le premier qui inventa, à Corinthe, l'art de faire des portraits avec cette même terre dont il se servait ; il dut son invention à sa fille : celle-ci, amoureuse d'un jeune homme qui partait pour un lointain voyage, renferma dans des lignes l'ombre de son visage projeté sur une muraille par la lumière d'une lampe ; le père appliqua de l'argile sur ce trait, et en fit un modèle qu'il mit au feu avec ses autres poteries. On rapporte que ce premier type se conserva dans le Nymphaeum jusqu'à la destruction de Corinthe par Mummius. » Pline l'Ancien, Histoire naturelle, Livre XXXV, XLIII (12).

(2) Renaud Allirand, Vivre (2003).

(3) Selon une tradition que relaye Plutarque, dans La Gloire des Athéniens.

(4) « Mettre une couleur sur une toile, ce n'est pas seulement teindre de cette couleur tout ce qui a touché le pinceau, c'est encore colorer de la complémentaire l'espace environnant ; ainsi un cercle rouge est entouré d'une légère auréole verte, qui va s'affaiblissant à mesure qu'elle s'éloigne ; un cercle orangé est entouré d'une auréole bleue ; un cercle jaune est entouré d'une auréole violette et réciproquement. » Michel-Eugène Chevreul, De la Loi du contraste simultané des couleurs (1839).

Contact presse :
Martin de Crouy
martin@decrouy.com



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