Quand une cellule rencontre une autre cellule (ou une surface quelconque), qu’est-ce
qu’elles se racontent ? Probablement des histoires de cellules… Il pourrait en fait
s’agir d’histoires d’ondulations. Pierre Bongrand (Directeur Unité Inserm 600
« Adhésion et Inflammation », Marseille) et son équipe viennent en effet de mettre en
évidence des "ondulations membranaires" qui accompagnent l'établissement du
contact entre cellules, et surviennent en moyenne une fois par seconde. Cette
« danse » a pu être observée pour la première fois à l’échelle de quelques
nanomètres, soit quelques millièmes de millimètre, grâce à une nouvelle méthode
d’imagerie en 3 dimensions.
Le détail de ces travaux est publié dans Biophysical journal, daté du 15 mai.
Mieux comprendre l’influence du contact entre cellules et surfaces (biomatériaux, tissus) sur
le comportement de ces cellules, constitue aujourd’hui un enjeu de nombreux problèmes
biomédicaux. A terme, il s’agira par exemple de permettre à des biomatériaux de s'intégrer
dans les tissus sans déclencher une réaction inflammatoire, d’éviter que la fixation des
monocytes aux parois vasculaires ne conduise à des lésions rencontrées dans
l'athérosclérose, ou d’empêcher les cellules tumorales circulantes de se fixer dans des tissus
cibles pour former des métastases.
Les travaux réalisés au cours de ces dernières années ont permis d'établir sans ambiguïté
que les cellules sont capables de "lire" sur les surfaces qu'elles rencontrent des paramètres
tels que la nanotopographie, c’est à dire les éléments de relief à l’échelle du nanomètre, la
rigidité ou la distribution latérale des ligands des récepteurs cellulaires. Mais les mécanismes
du choix ne sont pas encore compris. Par ailleurs, de nombreux travaux ont décrit avec
beaucoup de précision comment une cellule s'étale sur une surface en formant des
"lamellipodes" (longues extensions de la cellule en forme de lamelles), qui s'étendent
progressivement le long de la surface, avec des mouvements oscillants.
Les travaux du laboratoire « adhésion et inflammation » publiés aujourd’hui ont consisté à
affiner les méthodes d'imageries jusqu’alors disponibles pour déterminer la forme de la
membrane d'une cellule tombant sur une surface avec une précision nanométrique dans la
direction perpendiculaire à la surface.
Les images en trois dimensions obtenues par les chercheurs donnent à voir un processus
dont on observait seulement la projection sur la surface. « Nous pensons que seule une
modélisation réaliste de la surface de la cellule, qui est un objet à trois dimensions, peut
nous permettre de comprendre comment cette cellule ‘sonde’ son environnement et décrypte
ses propriétés nanotopographiques », explique Pierre Bongrand.
Grâce à une nouvelle méthode de traitement des images d’ « interférence-réflexion » les
chercheurs ont pu visualiser un "resserrement" progressif du contact cellule-surface, associé
à une réorganisation des molécules membranaires (les molécules les plus encombrantes
pourraient quitter la région de contact).
Ces résultats suggèrent la nécessité d'étudier l'influence des propriétés topographiques (2D
et 3D) et de la rigidité cellulaire sur les oscillations membranaires observées.
Cette approche devrait à la fois permettre de comprendre comment le comportement
cellulaire est influencé par une surface (intérêt théorique) et nous aider à améliorer la surface
des biomatériaux.
Ces observations constituent le point de départ de plusieurs pistes de recherche qui vont
être développées afin de confirmer et d’étendre ces conclusions. Pour l’heure, les
chercheurs essayent actuellement de confirmer leurs résultats avec d’autres méthodes
d’imagerie (par exemple, l’utilisation des ondes évanescentes). De plus, l’équipe de Pierre
Bongrand s’apprête à comparer le comportement de plusieurs espèces cellulaires afin de
déterminer l’universalité de ses résultats. Enfin, les chercheurs souhaitent évaluer la
signification fonctionnelle des « ondulations » décrites, en étudiant en parallèle l’effet d’une
modification des surfaces sur les ondulations membranaires et le comportement cellulaire.
Pour Pierre Bongrand, « Si nous comprenons mieux quels codes les cellules utilisent pour
analyser leur environnement, nous pourrons optimiser la préparation des biomatériaux qui
doivent s'associer aux tissus environnants sans déclencher une réaction inflammatoire. Le
domaine de la conception de prothèses articulaires et d’implants dentaires, pourrait en
bénéficier, tout comme la chirurgie réparatrice »
Pour en savoir plus
�� Source
“How Cells Tiptoe on Adhesive Surfaces before Sticking”
Anne Pierres,*yz§ Anne-Marie Benoliel,*yz§ Dominique Touchard,*yz§ and Pierre Bongrand*yz§
*Inserm UMR600,
yCNRS UMR6212,
zUniversité de la Mediterranée,
§APHM, Laboratoire ‘‘Adhésion et Inflammation’’,Campus de Luminy, Case 937, 13288 Marseille cedex 09, France
Biophysical journal, vol 94, 15 mai 2008, pp.4114-4122
Contact presse :
�� Contact chercheur
Pierre Bongrand
Directeur Unité Insem 600"Adhésion et Inflammation"
Tel :04 91 82 88 50